IMAGES NOIRES
Fin 90, j'ai changé de fond.
C'est
la galeriste montpelliéraine Hélène Trintignan qui m'a mis la puce à
l'oreille. « Vous les jeunes artistes [à l'époque j'étais donc encore
très jeune], vous êtes obsédés par Picasso et Matisse, vous ne voulez
pas passer à autre chose ? »
Il
est vrai que mon travail à ce moment était très marqué par ces deux
(géants) maîtres (qui ne l'est pas au xxe siècle?) mais nourri également
de la jeune figuration libre sétoise (Di Rosa/Combas, grands buveurs de
jaune devant l'Eternel, nos voisins de comptoir à
Balaruc-les-Bains...), et la réflexion d'Hélène fit mouche : vexé à mort
comme il se doit, je décidais illico après une longue période de
désespérance qui dura trois jours (ou trois mois, je ne sais plus...) de
changer radicalement ma façon ; fini le décorum, fini les nymphettes
surréalistes, fini les oiseaux dans le ciel,
… place à l'art cérébral !
Le
fond blanc devint rouge puis bleu outremer puis vert de vessie et enfin
noir ou presque, terre d'ombre brûlée plus exactement, en couches
multiples c'est aussi so(m)bre que du noir mais plus chatoyant, chaud
comme du cuir mais froid comme la nuit... Les représentation se
cérébralisent, les corps se fragmentent en volumes en suspension dans le
fond devenu spatialité... La lumière naît du néant, subtiles touches de
blanc mixées au fond qui donnent le jour à des corps célestes en
flottaison dans le... rien !
Presque
vingt ans plus tard, après avoir lâchement abandonné ces
peintures/sculptures impossibles pour la tentation de la chair, le goût
prononcé pour l'ivresse de la représentation réaliste, me voici donc
attiré de nouveau par les images noires...
Noires
de désir, noires de violence, noires de beauté, noires de méchanceté,
noires de bêtise, noires d'ombres, noires de nuit, noires de noir et
noir d'y voir...
Les
images noires peuvent ne pas être vues, elles doivent ne pas être trop
montrées, il faut chercher pour les voir, chercher pour les lire,
chercher pour y trouver du sens, un sens autre que le bon sens, une
absence d'essence, et beaucoup d'indécence...
Mékilé ?
Hin ?
Mékilélé ?
Hin ? Des cents
&
Des cents ?
D'yeux seul le sait
celui qui veut bien voir...
Méjeunveupluvoar,
c'est trop moche...
Landeronde, centre du monde, le neuf six deux mil treize.
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